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L’humain est un mammifère et à ce titre, soumis à des rythmes biologiques. Nos modes de vie et de travail ont tendance à perturber ces rythmes, ce qui peut avoir des effets importants sur la santé. Pour prévenir ces risques professionnels liés aux horaires atypiques, il faut en comprendre les mécanismes.
L’expression « horaires atypiques » regroupe évidemment le travail de nuit ou posté, mais aussi les horaires longs (gardes de 24h par exemple), le travail pendant le weekend ou les jours fériés, les horaires flexibles, imprévisibles ou variables, le travail en horaires coupés ou fractionnés, les pluriactivités professionnelles et le travail sous astreintes.
Selon la Dares, 45 % des salariés et 78 % des non-salariés étaient concernés en 2021 par le travail en horaires atypiques. Que ce soit dans des commerces, bibliothèques, transports en commun ou hôpitaux, de nombreux actifs travaillent le week-end, le soir, la nuit… Or, ces moments de travail atypiques ont des effets sur la santé.
« Nous oublions trop souvent que nos modes de vie ont des impacts sur les organisations de travail des autres« , alerte ainsi Laurence Weibel, docteur en neurosciences du département Études et Assistance Médicales (EAM) de l’INRS. Cette spécialiste des horaires atypiques est intervenue récemment à la journée technique sur les polyexpositions et à une journée de l’ISTNF le 16 novembre consacrée à la charge de travail et à la chronobiologie.
L’humain a un rythme biologique
Pour comprendre les effets sur la santé de ces horaires atypiques, il faut se rappeler que nous avons une horloge biologique, c’est-à-dire un rythme circadien d’environ 24h d’origine endogène. Comme tout mammifère, nous avons une horloge centrale qui gouverne un ensemble de fonctions rythmiques. Cette période proche de 24 heures ne correspond pas à la période de 24 heures exacte. Cela suppose une remise à l’heure quotidienne, une synchronisation qui est réalisée grâce aux signaux de l’environnement. Ce peut être la lumière mais aussi l’exercice physique, la privation de sommeil, les heures des repas, etc. L’horloge centrale pilote les horloges périphériques pour que nos fonctions biologiques respectent une distribution temporelle (sommeil profond entre 23 heures et 3 heures par exemple).
Le travail en horaires atypiques expose le corps à des informations environnementale contradictoires, d’où une désorganisation de nos rythmes et notamment une désynchronisation circadienne.
Les causes des effets sur la santé
La première altération se fait via les moments d’exposition à la lumière (à noter que l’œil ne sert pas qu’à voir, il a aussi une fonction de synchronisation du système circadien par la lumière). Les impacts seront importants pour le travail de nuit, mais aussi le travail posté du matin ou du soir.
Ensuite, l’heure et la composition des repas ont aussi un impact. Par exemple, une étude de 2015 a montré que plus le jeûne est long pendant la nuit, moins on aura d’effets négatifs sur la santé. Des études pionnières récentes, dont les résultats doivent être corroborés, ont fait un lien entre ce que l’on appelle des dîners tardifs et la survenue de cancers du sein ou de cancers de la prostate. Or, une étude souligne que l’apport alimentaire chez les travailleurs postés en rotation est potentiellement plus riche en calories. Selon Laurence Weibel, les repas seraient plus irréguliers et plus fréquents chez les travailleurs postés et de nuit, avec une plus grande consommation d’aliments sucrés et transformés.
Les horaires atypiques altèrent aussi les temps de repos. Sur le sommeil en général, les enquêtes de l’Institut national de sommeil et de vigilance montrent que la tendance chez les Français est comparable à celle dans les autres pays industrialisés : nous dormons de moins en moins, nous dormons moins longtemps. Cette évolution est en partie due aux rythmes de travail qui ont des répercussions directes sur notre santé. Par exemple, près d’un tiers des Français déclare souffrir d’au moins un trouble du sommeil, 16 % souffrent d’insomnie chronique, 73 % déclarent se réveiller au moins une fois par nuit, pendant au moins 30 minutes et 28 % des personnes avouent somnoler en journée.
Or, l’expertise Anses de 2016 a montré que les troubles du sommeil (apnée du sommeil, syndrome des jambes sans repos, trouble insomnie chronique par exemple) sont un des effets avérés du travail de nuit. Plus globalement, les horaires atypiques peuvent induire des privations de sommeil et donc une dette de sommeil. Les effets du manque de sommeil à court terme sont connus : altération des performances cognitives avec des troubles de l’attention, des temps de réaction augmentés, une prise de risque et une prise de décision altérée, etc. Tout ceci pouvant augmenter le risque d’erreur et d’accidents au travail.
Selon une étude (Williamson et Feyer, 2000), une privation de sommeil continue entraîne un risque accidentel équivalent à celui de l’alcool : 17 heures d’éveil continu équivalent à 0,5g d’alcool dans le sang et 24 heures d’éveil continue à 1g d’alcool dans le sang. Les effets à long terme d’une privation de sommeil répétée sont des risques augmentés de pathologies cardiovasculaires, de pathologies respiratoires, neurologiques, gastro-intestinales, immunitaires, endocriniennes etc.
Laurence Weibel résume ainsi la situation : « certains rythmes de travail altèrent le message circadien, provoquent ces désynchronisations circadiennes associées à une dette de sommeil. Et c’est l’ensemble de ces 2 mécanismes expliquent les effets sur la santé. Intégrer ces nouvelles formes d’horaires atypiques dans les évaluations des risques professionnels apparaît particulièrement pertinent pour les préventeurs« .
ActuEL HSE – Le quotidien des professionnels en santé sécurité – 21 nov 2023
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